Les défenseurs des droits de l’homme se plaignent que la situation des droits des femmes se détériore dans tout le monde entier. Malgré les efforts de la communauté mondiale, le nombre de femmes dans les prisons a augmenté de 100 000 personnes depuis 2010. La situation s’est particulièrement aggravée depuis le début de la pandémie et la mise en œuvre de mesures restrictives.

Le 21 décembre 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté les Règles de Bangkok, qui concernent le traitement des femmes détenues ainsi que des mesures punitives non privatives de liberté pour les femmes délinquantes. Plus de 80 organisations de défense des droits de l’homme ont récemment publié un rapport dans lequel elles se plaignent que la situation s’est aggravée depuis l’adoption des règles, avec 100 000 femmes de plus derrière les barreaux qu’au moment de l’adoption des règles.

L’adoption de ces règles a été dictée par la vulnérabilité particulière des femmes détenues. Par exemple, dans le cas d’une femme avec un enfant, le document recommande que ces enfants soient logés confortablement et il recommande même retarder la détention d’une femme. Les informations concernant les enfants doivent être enregistrées dans un registre spécial. S’ils ne sont pas avec leur mère, ils doivent être placés dans une famille d’accueil ou sous tutelle.

Les règles recommandent également que les femmes soient emprisonnées plus près de leur domicile ou des lieux de réinsertion sociale, que leurs besoins en matière d’hygiène soient satisfaits gratuitement et qu’elles aient accès à l’eau. Lors d’un examen médical, les médecins doivent déterminer si les détenues ont besoin d’un traitement pour les maladies sexuellement transmissibles, les maladies à diffusion hématogène, le VIH et les troubles mentaux : stress post-traumatique, tendances suicidaires et toxicomanie. Il faut trouver si elle a eu des problèmes de santé reproductive, si elle a déjà été victime de violence. Si elle a déjà été victime de violences, y compris sexuelles, les autorités de la prison doivent lui apporter un soutien psychologique, et les forces de l’ordre doivent empêcher la vengeance de la part des agresseurs.

Certaines dispositions concernent également les soins de santé spécifiques aux femmes, les procédures de perquisition qui sont « respectueuses » à l’égard des femmes et « protègent leur dignité ». Les sanctions disciplinaires ne devraient pas comporter d’interdiction de contact avec la famille, et les femmes enceintes et allaitantes ne devraient pas être placées en cellule de punition ou en cellule d’isolement. Les règles exigent qu’une attention particulière soit accordée aux mauvais traitements à l’égard de ces prisonnières.

Les défenseurs des droits de l’homme estiment que ces règles, d’une part, ne sont pas suffisamment mises en œuvre et, d’autre part, nécessitent être complémenter avec des recommandations supplémentaires. Il est donc nécessaire de réduire le nombre de femmes détenues en augmentant les facteurs atténuants dans la législation nationale, tels que l’absence de casier judiciaire, le caractère mineur de l’infraction et la responsabilité en matière de soins. En outre, les défenseurs des droits de l’homme conseillent « d’utiliser des alternatives de l’égalité des sexes visant à éliminer les causes les plus fréquentes de la délinquance comme première réaction, tant avant le procès qu’après la condamnation ».

Les auteurs de la lettre demandent également que la réhabilitation et l’intégration sociale des femmes soient encouragées, ce qui nécessite également une formation supplémentaire du personnel de la prison. Une attention particulière devrait être accordée à l’assistance psychologique dans le contexte du coronavirus, et les services de soutien locaux devraient être impliqués. Les défenseurs des droits de l’homme recommandent d’élaborer un plan d’assistance de ce type en collaboration avec les femmes qui purgent des peines de prison et le personnel de la prison. La situation actuelle dans ce domaine est désastreuse, beaucoup d’entre elles connaissant une crise de santé mentale. Les mesure de lutte contre le coronavirus ne font qu’aggraver la situation.

Selon l’une des responsables de Penal Reform International, Olivia Rope, la suspension des visites dans les prisons a eu un impact particulier. Premièrement, les mères ont perdu la possibilité de voir leurs proches, y compris leurs enfants. Deuxièmement, de nombreuses femmes ne reçoivent plus de produits d’hygiène, et les femmes enceintes et allaitantes ne reçoivent plus de compléments alimentaires.

Les défenseurs des droits de l’homme soulignent que l’augmentation du nombre de femmes dans les prisons est due au fait qu’elles sont « touchées de manière disproportionnée par les politiques punitives en matière de drogue, commettant souvent des crimes dans la pauvreté pour se maintenir en vie et maintenir leur famille ». Et beaucoup de femmes finissent en prison à cause de la discrimination. Dans certains pays, par exemple, les femmes enceintes sont retenues pendant les contractions et l’accouchement ou placées en « isolement ». Les mères allaitantes se retrouvent également en cellule d’isolement.

Parmi les signataires de cette déclaration figurent des représentants d’Afrique, d’Amérique, du Moyen-Orient, d’Europe et de l’ex-Union soviétique.

Parlant de la situation des droits des femmes emprisonnées en Russie, Olga Podoplelova, juriste de la fondation « Russia Behind Bars », met un accent particulier sur les droits reproductifs. Selon elle, les femmes dans les prisons russes sont souvent confrontées à des traitements inhumains, des avortements forcés et des violences lors de l’accouchement. L’escorte de surveillance, en règle générale, veut se débarrasser d’un enfant le plus tôt possible, ils séparent donc un bébé de sa mère. Et la communication avec l’enfant pour la détenue se transforme en un instrument de pression utilisé par l’administration.

« Il existe également un problème plus global : de nombreuses femmes en prison ne doivent pas réellement purger leur peine, mais doivent suivre un programme de réhabilitation – en tant que victimes de violences domestiques ou en tant que toxicomanes. – Podoplelova ajoute. – La politique criminelle russe ne tient malheureusement pas compte de cela ».

En même temps, au cours de la dernière décennie, il n’y a pas eu de changement dans ce domaine, dit la juriste. « Les statistiques de la CEDH sur les décisions prises sur les plaintes des prisonniers montrent également que très peu de femmes sont prêtes à défendre leurs droits dans un environnement où l’administration exerce une pression constante », ajoute l’expert.

Pour changer la situation, il est nécessaire de procéder à une humanisation complète des politiques pénales et pénitentiaires, estime Podoplelova. « Bien sûr, le travail sur les règlements régissant les questions de santé n’est pas exclu, ainsi qu’une organisation plus humaine de l’exécution des peines par les femmes ayant des enfants », ajoute l’avocate.

Cette dernière question est particulièrement problématique pour les prisons nationales, selon l’expert. Les enfants dès leur plus jeune âge sont placés dans des foyers pour enfants dans des institutions pénitentiaires, mais sont autorisés à communiquer avec leur mère qui purge une peine seulement pour quelques heures. Et même dans ce cas, les autorités de la prison utilisent souvent une telle opportunité comme un chantage. En conséquence, le système de punition interne ne permet pas de préserver le lien entre la mère et l’enfant, et les enfants dans de telles situations deviennent des otages, conclut Podoplelova.